samedi 10 novembre 2012

Happy Slapping, d'Alexandre Drouet

Vu à l'Atelier 210 le 7 novembre 2012


La fusillade du lycée de Columbine (1999), tout comme la folie meurtrière de l'ado allemand Bastian Bosse (2006), ont inspiré les artistes par l'incompréhension que suscitaient ces tragédies. Avec Elephant, Gus Van Sant restait muet face au quotidien et n'expliquait en rien l'irruption de cette folie, alors que Michael Moore transformait son essai filmé Bowling For Columbine en manifeste anti-armes. Côté théâtre, Lars Norén prenait dans 20 novembre le cas allemand en exemple pour démontrer tout le mal être contemporain, alors que Fabrice Murgia, dans son Chagrin des Ogres préférait le ton du conte pour nous parler de solitude adolescente.

Crédit : Yves Houtmann
Dans Happy Slapping, Thierry Janssen ne fait aucune allusion directe aux faits précités mais ils traversent son récit. Trois jeunes gens, renommés Spielberg, Lucas et Coppola, comblent leur ennui en multipliant les "jackasseries" qu'ils filment et mettent en ligne. C'est ça le Happy Slapping, ce passe-temps idiot tournant la société en ridicule, où les protagonistes des vidéos jouent avec le risque: ils giflent les passants avant de prendre la fuite, ils se mutilent sans raison. Déçus du monde qui les entoure, ces jeunes en veulent aux adultes de ne pas leur proposer un avenir digne des films hollywoodiens. Mais l'arrivée d'une jeune fille va transformer, ce qui ressemblait en une crise adolescente passagère, en une expérience beaucoup plus radicale.

Crédit: Yves Houtmann
Construite comme un grand flash-back, la pièce mise en scène par Alexandre Drouet prend la forme d'un grand puzzle, habilement lié, où les pièces sont tantôt projetées sur écran, tantôt rejouées, tantôt contées. Chaque personnage -Julien Besure, Sandrine Desmet, Jérémie Petrus et Thibault Wathelet- endosse un rôle précis dans l'escalade de cette violence: le grand dadet, lâché par l'école, l'orphelin esseulé et manipulateur, le jeune gentil et la fille à papa délaissée. Contrairement à Van Sant qui privilégiait le silence, Janssen opte pour une verbalisation (parfois excessive) de l'escalade. Tout passe par les propos dialogués ou lancés au public des quatre ados en scène. Rien n'est suggéré; et si on apprend avec horreur l'issue de cette virée au fil de la pièce, c'est parfois à coups d'épisodes un rien exagérés.

L'auteur met en cause le manque de dialogue intergénérationnel pour expliquer l'errance adolescente. La porte de sortie qui est suggérée (dans un face-à-face prof-élève) arrive trop tard pour donner une toute autre fin aux événements. Peu d'espoir ressort de cette pièce critique à l'égard de l'usage non encadré des technologies numériques (outils de la violence plutôt que sa cause), contrairement à ce qu'avait laissé entendre Edna Walsh dans son Chatroom (gros succès du Poche voici quelques saisons). Malgré son ton très adolescent (au recul modéré), le spectacle résonne comme une alarme.

Jusqu'au 24 novembre à l'Atelier 210.

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