vendredi 18 janvier 2013

Tout le monde ça n'existe pas, de Marie Limet

Vu le 11 janvier 2013 au Poche

Crédit: Y. Kerstius

Une vamp s'avance sur scène. D'allure provocante et suggestive, elle nous prépare à son show, un spectacle où l'on sait immédiatement qu'il sera question du corps. Un corps qu'elle vend en attiseuse de désir assumée. Le mouvement suit, une danse langoureuse où tout à coup un morceau d'elle se détache. Au bras droit, la prothèse laisse entrevoir le moignon de la belle. "Quelqu’un veut l’essayer?", nous dit-elle, agitant le membre factice. "Un moignon, c’est mignon, comme mot." Les mots, les vocables sont au centre du texte de Marie Limet qui nous rappelle comment parfois ils font référence à des réalités froides et déshumanisées. Handicap, infirmité,... la comédienne nous interroge sur le regard que nous portons tous sur ce qui s'éloigne de la normalité, tout en rappelant la difficulté de définition de ce dernier mot. Qu'est-ce qu'être normal? Alors ces yeux qui la dévisage, elle a décidé de les soutenir et de les fixer elle-même. "Elle pensait qu’elle s’y habituerait. Mais non, il y a toujours des nouveaux gens pour la regarder. La regarder… elle ou son bras ? La personne, l’handicapée, la personne handicapée, personne ? Elle se demande pourquoi ça lui est arrivé à elle en particulier et pas à lui ou à elle ou à vous par exemple ? Elle se demande. Elle ne sait pas. Alors elle s’adapte. Elle fait tout pour ne pas vous déranger."




Crédit: Y. Kerstius
Marie Limet a toujours voulu danser. Le mouvement la passionne et elle l'a appliqué à différentes disciplines (danse, théâtre, etc.). La transmission est au centre de son travail. Le regard de l'autre l'a toujours poursuivi en raison des "37 centimètres" qui lui manquent du côté droit. Dans ce seule-en-scène qu'elle propose au Théâtre de Poche, après l'avoir créé à Huy durant l'été 2012 sous l'œil de Laure Saupique, elle prend son public en mode frontal pour lui  dévoiler son corps "hors norme" et lui lancer en pleine face. L'approche est intelligente, sensuellement provocante et terriblement interpellante. Même si le texte pêche par quelques passages faibles, l'audace conjuguée à l'aisance de l'artiste sur scène transcendent ces petits défauts. Le public en sort chamboulé sans être profondément mal à l'aise. "Tout le monde ça n'existe pas" provoque le questionnement sur la perception de l'autre et l'acceptation de sa différence. Un spectacle utile, jalonné de morceaux de Tom Waits, à l'esthétique travaillée.




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