lundi 4 février 2013

Kwaheri, d'Estelle Marion

Vu au Varia le 25 janvier 2013
Crédit: Danièle Pierre

Fille de père belge et de mère rwandaise, la comédienne Estelle Marion a toujours baigné dans un entre-deux. Comme si elle était constituée de deux demi-identités sans que celles-ci ne soient jamais conciliables. C'est en tout cas ce que le regard des autres lui a imposé. Elle, la métisse, non, la "mulâtresse", comme elle le répète dans ce Kwaheri, seule-en-scène où elle revient sur la construction de son identité. Au Rwanda, elle n'était pas de là-bas. En Belgique, elle était de là-bas. Une dichotomie apaisée par l'amour qui règne au sein du cocon familial. Mais à laquelle elle souhaite dire "au revoir" (en swahili "kwaheri"), parce qu'elle est sereine aujourd'hui. Son identité est double et c'est une richesse, nous dit-elle.



Crédit: Danièle Pierre
Artiste multiple, Estelle Marion a choisi de nous confier son histoire au gré d'un récit qu'elle porte sur ses épaules en l'illustrant d'images projetées et de musique en direct. Au fil des dates, qu'elle égrène, Manou Gallo et Marc Hérouet souligne avec leurs blues et leurs rythmes, les étapes de la vie d'Estelle: son enfance au Rwanda et au Congo, son arrivée dans une Belgique sous la neige, les brimades à l'école mais aussi en terre africaine. Sa couleur de peau et sa double appartenance lui ont sans cesse été rappelés, comme si c'était une tare de vivre un pied sur chaque continent. C'est d'ailleurs pieds nus sur la scène du Varia qu'Estelle distille ses confidences. Bien ancrée dans le sol sur un plateau sobre. Elle joue de son corps plaçant parfaitement ses mouvements sur un texte rythmé qui évolue de manière chronologique. Son discours est calme et posé bien qu'une certaine colère a traversé l'écriture. Elle n'hésite pas s'échapper du métissage pour partager avec nous des moments plus intimes et personnels l'influence d'instants historiques (les combats anti-ségrégation aux États-Unis, la décolonisation). Le texte n'évite pas quelques clichés et quelques maladresses d'écriture, mais le spectateur est face à une belle démonstration de sincérité à l'esthétisme léché. La sérénité d'Estelle Marion se confronte à la colère qui anime les autres métisses qui ont été confrontés aux mêmes rejets que la comédienne. Le débat qui suit la représentation est en ce sens instructif.

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